Le , un livre qui se veut une référence pour les adolescentes qui se questionnent sur des sujets comme la sexualité, est sévèrement critiqué par le Conseil du statut de la femme et par des centaines de personnes qui l’accusent ces jours-ci de propager des stéréotypes sexistes, des propos homophobes et un message moralisateur antiavortement.
Mis au jour par un récent article de la , le passage sur l’avortement fait énormément réagir sur l’internet plusieurs militantes pro-choix.
« Si la loi permet cet acte, elle ne le rend pas pour autant juste et moral. L’avortement reste un acte grave qui pose des questions sur la valeur que l’on donne à la vie humaine. […] Le recours à l’avortement est toujours une blessure qui met longtemps à cicatriser », est-il écrit dans ce livre s’adressant aux filles de 12 ans et plus, ajoutant que « les grandes familles religieuses ont leur mot à dire dans cette affaire ».
Dans la dernière édition, un passage qui traite de la masturbation affirme aussi « qu’autrefois, les adultes cherchaient à en dissuader les jeunes en affirmant que cela rend sourd. Même si aujourd’hui plus personne n’utilise ce pauvre argument, il y a quelque chose à tirer de cette histoire : c’est vrai qu’une pratique assidue de la masturbation rend d’une certaine façon “sourd”… aux autres. Cela reste une expérience pauvre, où il n’y a pas toute la dimension d’échange que l’on peut retrouver à deux. »
Lissa Godin, étudiante en sexologie et aide-bibliothécaire à la bibliothèque de La Petite-Patrie, à Montréal, estime que ce livre ne devrait pas se trouver sur les rayons des bibliothèques scolaires et municipales du Québec, comme c’est le cas à plusieurs endroits en ce moment.
La semaine dernière, sensible aux différents problèmes soulevés par le livre, elle en a discuté avec la bibliothécaire en chef.
« Les messages qui sont véhiculés sont complètement insidieux. On voit qu’il y a un jugement caché sur une série de sujets sans que ce soit vraiment dit. On sent vraiment les influences religieuses derrière les propos. »
— Lissa Godin, étudiante en sexologie et aide-bibliothécaire
Le livre a aussi été dénoncé par des groupes de défense des droits des homosexuels. En 2011, notamment, on pouvait y lire : « C’est vrai qu’il existe des couples homosexuels stables. Mais souvent, les relations sont éphémères, instables et les homosexuels ont du mal à se projeter dans l’avenir », selon la .
Le est publié par la maison d’édition Fleurus, basée en France. Ce livre n’est toutefois pas le seul « dictionnaire » qu’elle publie. Elle en édite un pour les garçons et un pour les catholiques, le .
À la bibliothèque de La Petite-Patrie, où travaille M Godin, l’ouvrage a pour l’instant été retiré des rayons afin que la bibliothécaire l’examine. L’étudiante en sexologie, qui se rend régulièrement dans les différentes bibliothèques municipales de Montréal, compte sensibiliser ses collègues à ce sujet.
Parler de sexualité avec ses enfants n’est pas une tâche facile. Toutefois, il ne faut pas s’en remettre à des livres comme le pour aborder le sujet, estime Christelle Lebreton, chargée de cours à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et experte de la question de la sexualité des adolescentes et des produits culturels qui leur sont adressés.
« On parle très peu de sexualité dans ce genre de bouquin et, quand c’est le cas, ça accentue des stéréotypes. Le présente un discours unique. »
— Christelle Lebreton, chargée de cours à l'École de travail social de l'UQAM
« Ce n’est pas un livre où on met en concurrence plusieurs façons d’aborder un thème », a expliqué M Lebreton.
a téléphoné hier à plusieurs librairies où il ne restait plus aucun exemplaire de l’édition 2014. « C’était un gros vendeur, je vous conseille d’attendre quelques semaines pour vous procurer l’édition 2015 », a dit l’un des libraires jeunesse.
M Lebreton soutient que les parents ne devraient pas acheter ce livre: « C’est un manuel pour les filles comme on en faisait dans le passé avec le guide de la bonne petite ménagère. C’est le même type de produit, mais présenté de façon plus amicale, beaucoup moins normative. »
La présidente du Conseil du statut de la femme, Julie Miville-Dechêne, partage cette opinion.
« La mise en marché du livre est très attirante et on ne se rend pas compte à quel point il y a des stéréotypes, là-dedans. À mon avis, d’autres livres devraient être privilégiés, ce n’est pas le genre de cadeau qui va aider une fille à se sentir mieux dans sa peau », a-t-elle dit à .
Au Québec, le est distribué par la maison Prologue. Questionnée par la , la directrice des relations publiques de la maison, Claude Bouchard, a affirmé qu’elle ne comprenait pas les critiques sur ce livre, qui dédramatise l’adolescence, selon elle.